Media7.info Les difficultés de trésorerie que
traverse la Senelec à l'origine de la hausse sur le prix de
l'électricité, chahute la gestion- pourtant jugée impeccable- de Makhtar
Cissé à la tête de cette boite. L'ancien homme de confiance qui se
prévalait jusqu'à un passé très récent de l'admiration du président,
reçoit maintenant les foudres de ce dernier.
Le prix de l'électricité a
pris la courbe ascendante. La réputation de Mouhamadou Makhtar Cissé,
elle, a pris le sens inverse. Une image écornée due essentiellement à
une promesse tenue doublée d'une nouvelle mesure totalement à l'encontre
de ce qui a été annoncé. En fait, l'ancien directeur général de la
Senelec, promu le 6 avril 2019 à la tête du très stratégique département
des énergies, en période de pré-exploitation du pétrole et du gaz pour
ses "résultats", avait promis une baisse conséquente sur les tarifs de
l'électricité à l'horizon 2020.
En effet, dans le plan Yessal
2020 (Plan d'actions prioritaires Pap 2016-2020) qu'il a lui-même
élaboré à son arrivée à la Senelec, en juillet 2015, pour gommer les
conséquences fâcheuses du "Plan Takkal", il prévoyait, outre de donner
du souffle au mix énergétique avec une réduction à 8% de la part du
pétrole, de réduire les prix de l'électricité et étendre la couverture
du réseau de la Senelec dans les zones les plus reculées.
Yessal en panne sèche ?
Les promesses sont tombées à
l'eau avant même 2020. Son successeur, Papa Mademba Bitèye qui a hérité
d'une boite où tous les indicateurs semblaient être "au vert", est
rattrapé par la dure réalité en seulement 7 mois d'exercice. Que
s'est-il donc passé pour que la Senelec se retrouve presque dans la
banqueroute d'où Cissé l'avait tiré ?
La société qui avait vu ses
bénéfices quasiment se multiplier par trois en seulement une année sous
la houlette de Makhtar Cissé (30 milliards en 2016 contre 12 milliards
en 2015), se retrouve si subitement dans la dèche au point que l'État
décide de voler à son secours en lui allouant 125 milliards à la
deuxième loi de finance rectificative de 2019. Certains agitent la thèse
du "maquillage des états financiers".
Pourtant les statistiques
sont plutôt flatteuses : de 900 heures en 2011, les coupures passent à
66 heures en 2017 pour un taux inédit de 99% de disponibilité de
l'électricité, 19 minutes de coupures par jour, 1 heure par semaine et
5,5 heures par mois.
La fin d'un mythe ?
Si le gouvernement et la
Senelec subissent aujourd'hui les contrecoups de la hausse de 6 à 10%
sur le prix de l'électricité, l'image de Makhtar Cissé ne s'en porte pas
mieux. Le quinqua réputé homme de confiance du président était dépeint
comme un présidentiable, le dauphin idéal. Jusqu'à un passé très récent,
il servait de modèle de réussite pour les hommes de Macky. Une image
que les récents événements ont fortement écornée.
Le natif de Dagana à qui le
président Macky Sall vouait une très grande admiration pour son génie et
son sens de la rigueur et du travail bien fait aussi bien à la tête de
l'administration douanière (2010-2013) qu'à la tête du ministère du
Budget, reçoit pour ce coup-ci les foudres du locataire du Palais, pas
du tout satisfait de son mutisme, selon L'Observateur. "Si la hausse
était bien expliquée, les populations auraient compris et la mesure
passerait sans heurt" estime le Chef de l'État qui tient Makhtar Cissé
et son successeur responsable de ce manque de communication autour de
cette décision.
Sa réaction n'a pas tardé. Au
cours d'un séminaire d'information avec le collectif des journalistes
économiques, il révèle, à sa décharge : "tout ce qui concourt
aujourd'hui à fabriquer l'électricité au Sénégal est importé, à part la
sueur des agents de la Senelec" et que l'État est obligé de subir les
fluctuations vertigineuses du marché international. Un coup de blush qui
ne contribuera malheureusement pas à refaire son image, puisque les
Sénégalais se disent "monstrueusement bluffés" par Makhtar.
Entré récemment en politique,
l'homme est toujours cité parmi les prétendants au fauteuil
présidentiel. De quoi se demander, si au-delà des faits, ses adversaires
n'essaient-il pas de profiter de l'aubaine pour éliminer un concurrent
qui bénéficie d'un vrai prestige. Surtout l'homme ne nie pas ses
ambitions. Dans le Jury du dimanche, il y a quelques semaines, Makhtar
Cissé a certes a jugé prématuré et malsain le débat sur la succession.
Cependant, à travers ses propos, on sent qu'il est aussi intéressé par
la chaise au palais. "Je refuse d'être un homme pressé, il faut savoir
qui on est. Il faut essayer d'avoir cette sérénité, cette lucidité,
avoir les pieds sur terre. On est dans un pays où il y a beaucoup de
consultations nocturnes, mais il faut surtout écouter la voix de la
conscience", déclare-t-il.
Parcours exceptionnel
Connu pour sa discrétion,
l'homme n'en traine pas moins un Cv assez lourd. Enarque et major de sa
promotion d'inspecteur des Douanes après un bref passage (2 ans) au
barreau de Dakar comme avocat, Mouhamadou Makhtar Cissé est titulaire
d'une maîtrise en science juridique et politique option droit des
affaires, d'un Master en finance et gestion publiques à l'université
Cheikh Anta Diop de Dakar. Enfant de troupe, il a obtenu son
baccalauréat littéraire avec mention Assez-bien au prytanée militaire
Charles-N'Tchoréré de Saint-Louis, mais aussi son brevet de préparation
supérieur et de parachutiste.
Makhtar trimballe un balèze
Cv : vérificateur au bureau des douanes de Dakar (Port Sud). Puis,
assistant du coordonnateur de la direction générale des douanes, un
poste qu'il a géré cumulativement avec ses fonctions de chargé de
l'intérim du chef du bureau des affaires juridiques et du contentieux.
Connu pour sa rigueur, on lui a confié le poste de chargé des poursuites
au bureau des enquêtes et du contentieux de la direction du
renseignement et de la lutte contre la fraude. Puis, directeur de
cabinet du ministre de la Pêche.
Il intègre en 2002 la
prestigieuse inspection générale d'État, major du concours d'entrée.
Après huit années à l'Ige, il retourne à l'administration douanière en
tant que directeur général (2010-2013). C'est d'ailleurs sous sa
houlette que la douane sénégalaise a reçu le prix des Nations unies pour
le service public en 2012 avec le Gie Gaïndé 2000, bras technologique
de la DGD.
Chevalier de l'ordre national
du mérite et chevalier de l'ordre national du lion, Makhtar Cissé a
aussi reçu les décorations de la médaille d'honneur des douanes
françaises (novembre 2012), médaille d'honneur des douanes sénégalaises
et est titulaire du certificat de mérite de l'Omd. Il a aussi été
désigné Homme de l'année 2011 par le journal Rewmi.
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