Elargi de prison, ce dimanche, à la
suite d’une grâce présidentielle, Khalifa Ababacar Sall a écrit une
lettre pour s’adresser à ses amis, ses soutiens, ses sympathisants, ses
compatriotes. Ainsi, dira-t-il, «rien ne pourra nous arrêter si ce n’est
la volonté divine ». Voici l’intégralité de son discours après plus de
deux ans passés à la Maison d’arrêt de Rebeuss (Mar).
«
En m’adressant à vous aujourd’hui, j’éprouve une immense joie, celle de
savoir que je peux compter sur des femmes et des hommes, jeunes et
moins jeunes, toujours mobilisés et déterminés. Pour beaucoup d’entre
vous pourtant, voilà neuf cents jours que nos regards ne se sont pas
croisés, que nous ne nous sommes pas serré la main, que nous n’avons pas
échangé un mot. Mes pensées vont à chacune et à chacun d’entre vous. Je
pense à celles et à ceux qui, rebutés par la prison ou ne supportant
pas de me voir en détention, ne trouvent pas la force de me rendre
visite ».
« Je n’oublie pas cette vieille dame qui, chaque jour à l’aube, prie pour moi »
«
Je pense à cet homme d’âge avancé qui a quitté son village à
l’intérieur du pays pour venir me témoigner son affection. Je n’oublie
pas cette vieille dame qui, chaque jour à l’aube, prie pour moi. Je
pense à ces jeunes qui ont fait la prison pour avoir demandé ma
libération. Je n’oublie pas ces femmes en garde à vue pendant des heures
pour avoir exercé leur droit constitutionnel de manifester ».
« Je pense à ces femmes et à ces hommes qui, une ou deux fois par mois
depuis neuf cents jours, partent de Kaolack, de Tambacounda, de Thiès,
de Tivaouane, de Touba, de Dagana, de Louga, de Diourbel et d’autres
contrées de notre pays, pour m’exprimer de vive voix leur soutien ».
« Je n’oublie pas nos compatriotes établis en France, en Italie, en
Espagne, aux Etats-Unis, au Maroc et ailleurs dans le monde qui me
manifestent régulièrement leur soutien à travers des rassemblements sans
compter ceux d’entre eux qui ne manquent jamais l’occasion de me rendre
visite au cours de leur séjour au Sénégal ».
«
Cette épreuve a renforcé le lien qui nous unit. Ce lien s’est consolidé
dans notre choix de préférer la dignité à la résignation »
«
Je pense à celles et à ceux qui sont restés anonymes dans leurs prières
et dans leur soutien. Je n’oublie pas non plus les personnalités
politiques, religieuses, coutumières et de la société civile qui me
témoignent leur solidarité ».
« Je pense aussi beaucoup à vous, mes chers amis. Je pense à mes braves
compagnons qui, dans ce qui est devenu un rituel, égayent mes lundis
depuis neuf cents jours ».
«
A vous tous dont le soutien m’est si précieux, je voudrais vous
exprimer ma reconnaissance et mon affection. Je ne pourrai jamais vous
rendre ce que vous m’avez donné. Mais je vous ouvre mon cœur, un cœur
que je souhaite assez grand pour vous y accueillir tous ».
« Cette épreuve a renforcé le lien qui nous unit. Ce lien s’est
consolidé dans notre choix de préférer la dignité à la résignation. Il
s’est renforcé dans notre détermination à opposer le courage à la peur
d’avoir à lutter. Nous n’avons pas choisi le chemin de la compromission
ni celui de l’abdication. Au contraire, nous sommes restés inébranlables
et face aux épreuves, nous avons renforcé notre résilience ».
« Il est illusoire de tenter de m’empêcher de m’exprimer »
«
Oui chers amis, rien ne pourra nous arrêter si ce n’est la volonté
divine. Il est illusoire de croire qu’on m’a privé de liberté en
m’emprisonnant quand des centaines de milliers, voire des millions de
Sénégalais sont libres pour moi ».
«
Il est illusoire de penser me priver de liberté de mouvement quand des
centaines de milliers, voire des millions de Sénégalais, un pied devant
l’autre, marchent pour moi. Il est illusoire de tenter de m’empêcher de
m’exprimer quand des centaines de milliers, voire des millions de
Sénégalais portent ma voix . Il est illusoire d’essayer d’éteindre nos
convictions alors que celles-ci sont partagées par des centaines de
milliers, voire des millions de Sénégalais dans les zones les plus
reculées de notre pays et à l’étranger. Il est illusoire de tenter de
m’empêcher d’avoir une ambition pour notre pays quand des centaines de
milliers, voire des millions de Sénégalais, des moins jeunes aux plus
jeunes, portent notre ambition ».
«
Si nous sommes restés debout au milieu des épreuves, c’est d’abord et
surtout grâce à notre foi commune à la parole divine selon laquelle
notre destin est déjà tracé. C’est aussi parce que nous avons la
détermination tenace. Et je vous le réaffirme : vous pouvez compter sur
moi pour porter notre ambition commune pour le Sénégal ».
« J’ai conscience de ma responsabilité »
«
Comme politique, parce que c’est l’engagement de toute ma vie, j’ai
conscience de ma responsabilité. Mon devoir, c’est de continuer à servir
notre pays dans un dévouement total. Mon devoir, c’est de poursuivre le
mouvement en marchant sur le socle des valeurs de la démocratie, de la
liberté, de la solidarité, de la justice sociale et du progrès. Cette
référence à nos valeurs relève d’un enjeu politique afin de restaurer la
finalité humaine de la politique et de trouver des solutions globales,
solidaires et durables aux difficultés que vivent les Sénégalais ».
«
Ces dernières semaines, notre Nation a perdu d’éminents fils. A
nouveau, je voudrais saluer leur mémoire et renouveler ma compassion et
ma solidarité à leurs familles et proches. Le Sénégal est plus grand que
nos destins individuels, plus grand que nos vanités puériles. Nous ne
devons pas vivre avec la haine au cœur, ni avec la rancœur dans les
yeux. Nous ne devons pas vivre dans la discorde et dans la peur qui font
que chacun peut voir l’autre comme un ennemi ».
«
La devise de notre République trace un destin commun qui nous rassemble
dans un chemin d’espérance. Cette devise forgée dans la sueur, le sang
et le sacrifice, nous a permis de vivre en paix dans une Nation unie.
Notre responsabilité est de continuer à faire vivre cette espérance
commune à travers des institutions garantes de l’Etat de droit et des
droits des citoyens. Notre responsabilité est et sera toujours de
préserver ce merveilleux héritage, et les yeux rivés sur l'avenir, de
transmettre intact à nos petits enfants ce legs inestimable qu'est la
paix ».ç
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